Une Nouvelle Ère pour la Justice Internationale : La Création d’un Tribunal Spécial pour l’Agression de la Russie en Ukraine

Après plus de onze ans depuis la première attaque armée et plus de trois ans depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, la communauté internationale a franchi une étape historique vers la justice pour l’agression. Gouvernements, parlements et institutions internationales ont signé un accord avec le Conseil de l’Europe pour établir un Tribunal Spécial International chargé de poursuivre le crime d’agression contre l’Ukraine. Cette décision recteur repose sur le soutien politique de plus de 35 pays et de l’Union européenne, tous unis dans leur engagement envers la justice et le droit international. La création de ce tribunal symbolise une nouvelle étape dans la lutte contre l’impunité pour les crimes de guerre. Elle marque un changement de paradigme — reconnaissant pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale que l’agression est un crime punissable en droit pénal international. Ce tribunal représente un progrès majeur dans la poursuite des responsables de décisions ayant déclenché le conflit, en violation de la Charte des Nations Unies et des normes internationales. Pendant des années, le crime d’agression a été hors de portée des tribunaux internationaux, mais désormais, pour la première fois en décennies, il devient une infraction pénale pouvant faire l’objet de poursuites judiciaires. L’Assemblée générale de l’ONU a explicitement reconnu l’agression de la Russie par la résolution ES-11/7 adoptée le 24 février 2025, affirmant la nécessité d’évaluer juridiquement ces actions. La mise en place du tribunal a été accélérée par la faiblesse du Tribunal Pénal International (TP), qui, malgré son importance, n’a pas compétence sur le crime d’agression à moins que les États n’aient ratifié le Statut de Rome, ce que la Russie n’a pas fait. La définition de l’agression a suscité de nombreux débats entre États membres, et ce n’est qu’en 2010, à Kampala, que des amendements ont été adoptés, cependant leur application est conditionnée au consentement des parties, ce qui pose un problème, notamment avec la Russie. Une lacune juridique s’était créée, nécessitant une solution. La réflexion sérieuse sur la création d’un tribunal spécialisé a commencé en 2022, avec l’appui de juristes influents, tels que l’ancien procureur du procès de Nuremberg Benjamin Ferencz, ainsi que d’anciens Premiers ministres comme Gordon Brown et John Major, qui ont évoqué le précédent historique du procès de Nuremberg, consacré à la lutte contre les crimes contre la paix et la guerre. La criminalisation de l’agression comme catégorie distincte dans le droit international a constitué une avancée remarquable. Ce nouveau tribunal diffère des modèles classiques : sa structure hybride combine des aspects du droit international et national. Il comprendra des juges, un bureau du procureur et un registre, tous nommés par les États membres participants, évalués par une commission indépendante. Sa mission principale sera de poursuivre ceux responsables d’avoir autorisé ou commis une attaque illégale, notamment la haute direction politique et militaire — le président, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères russes — dont les décisions ont conduit à la guerre. Bien que les investigations puissent concerner ces responsables, leur processus judiciaire sera suspendu tant qu’ils conserveront leurs fonctions, ce qui constitue une faiblesse. Le débat sur l’immunité des hauts responsables demeure ouvert, avec des précédents tels que l’arrêt de la Cour de Justice de la Cour pénale internationale dans l’affaire RDC contre Belgique, qui confirme que les ministres en fonctions bénéficient d’une immunité, mais peuvent être jugés après leur départ dans des tribunaux spécialisés internationaux. Le tribunal pourra également juger en leur absence, permettant de poursuivre les accusés qui refusent de comparaître, pourvu que toutes les mesures pour leur citation et leur notification aient été prises. Dans le cas du crash du vol MH17, cette procédure a été appliquée, assurant un procès même sans présence physique de l’accusé. Pour l’Ukraine, il est crucial que ce tribunal couvre également les événements de 2014, notamment l’annexion de la Crimée et l’occupation du Donbass, avec des dates comme le 20 février 2014, considéré comme le début de l’occupation, et la reconnaissance internationale de cette date. La souplesse du cadre juridique et son interprétation dépendront de la volonté politique, mais une position ferme renforcerait la légitimité et la reconnaissance de l’origine du conflit. L’aspect innovant de ce tribunal est qu’il n’a pas été créé par le Conseil de sécurité de l’ONU, paralysé par le veto de la Russie, mais en partenariat avec le Conseil de l’Europe et d’autres États, ce qui pourrait renforcer sa légitimité mondiale. Cependant, il existe des défis : certains pays pourraient douter de sa légitimité, c’est pourquoi l’union des États attachés à l’État de droit est essentielle. N’aurait-il pas été préférable de créer un tribunal via l’Assemblée générale de l’ONU ? La question reste ouverte. La structure du Conseil de sécurité paralyse toute action efficace à cause du veto russe. La résolution Uniting for Peace, adoptée en 1950, a permis à l’Assemblée de prendre en main certaines responsabilités lorsque le Conseil ne pouvait agir, ce qui a été le cas depuis l’agression russe en 2022. La flexibilité du droit international, adaptant son interprétation aux nouveaux défis, montre qu’un tribunal universel pourrait être plus efficace. Les raisons pour lesquelles ces alternatives n’ont pas été explorées restent spéculatives. Pour l’instant, la communauté internationale doit avancer dans le processus actuel, sachant que la Russie refuse de reconnaître en bloc ce tribunal, mais que la justice doit continuer, indépendamment de la coopération de l’accusé. La signature de l’accord n’est qu’un début, suivi de l’organisation, du recrutement, du financement et de la mise en œuvre des procédures. La priorité demeure l’efficacité : le tribunal doit pouvoir juger non seulement l’agression, mais aussi d’autres crimes tels que les crimes de guerre, contre l’humanité et éventuellement le génocide, qui, jusqu’à présent, relèvent principalement du Tribunal pénal international, du système judiciaire national et de la justice universelle. La communauté internationale doit rester résolue pour que la justice ne se limite pas à un symbole, mais produise des résultats concrets. Seule une détermination soutenue permettra de faire respecter le principe selon lequel aucune agression ne doit rester impunie, peu importe qui l’a perpétrée. La justice n’est pas seulement une question symbolique, mais la voie vers une paix durable et un respect ferme de l’ordre juridique international.