Les journalistes de « Schem » ont révélé les liens philanthropiques et influents des juges qu’a favorisés Andriy Portnov, ancien vice-président de l’Administration du président Viktor Yanukovych
Le projet, appartenant à "Radio Svoboda", a effectué une analyse approfondie des documents d’archives du Conseil supérieur de la justice et de la Verkhovna Rada d’Ukraine pour la période de 2009 à 2014. Les résultats de cette étude ont montré que l’ex-fonctionnaire et ses complices exercèrent une influence considérable sur la nomination de juges dans différentes instances judiciaires du pays, notamment dans les sphères de justice de Lougansk et de Kiev. L’un des points clés a été le fait qu’en décembre 2011, le Conseil supérieur de la justice (CSJ) a soutenu la propositions du président évincé Viktor Yanukovych concernant la nomination au poste de juge de la Cour commerciale de Lougansk d’Andriy Sekirskyi. Il est intéressant de noter que ce candidat était le frère de l’ex-épouse de Portnov, Tetyana. Selon les documents, ce vote a été soutenu par tous les présents lors de la séance, y compris Andriy Portnov lui-même. Plus tôt, en juillet 2010, tous les participants avaient approuvé la candidature de l’épouse du juge du tribunal administratif régional de Lougansk, Angela Sekirskaya. Cette décision a également été soutenue par ceux qui fonctionnent encore dans le système judiciaire ukrainien. De plus, en mai 2010, le CSJ a voté en faveur du transfert d’Olena Isaievska, sœur de Portnov, vers le poste de juge du tribunal de district de Péchersk à Kiev. Toutefois, Portnov s’était abstenu à ce moment-là et s’était récusé. Plus tard, Isaievska devint avocate et fit valoir les intérêts de son frère en justice, y compris devant le tribunal de Péchersk. Et ce n’est pas tout : entre 2009 et 2011, des juges liés à Portnov soutinrent des candidatures et votèrent pour la nomination à des postes importants de plusieurs de ses proches — notamment, en 2011, ils soutinrent la candidature de Tetyana Skochok, qui avait auparavant travaillé comme son assistante — et continuent à conserver leur statut de juges et à percevoir un salaire. Un autre épisode concerne le soutien, en décembre 2011, à la candidature d’Inna Belokonna, ex-épouse de Portnov, qui occupait le poste de juge au tribunal de Obolon à Kiev. Cette candidature fut soutenue par le Conseil supérieur de la justice, et elle occupe toujours ses fonctions. Un rôle significatif dans ces nominations a été joué par Pavlo Vovk, qui en septembre 2010 a été nommé président du tribunal administratif du district de Kiev. Parmi les membres de sa candidature figuraient des personnalités influentes comme l’ancien président de la Verkhovna Rada, Volodymyr Kivalov, Portnov lui-même et Lidia Izovitova, aujourd’hui présidente du Conseil des avocats d’Ukraine. Le neveu de Kivalov et d’Andriy Portnov, Sergiy Mogil, est devenu en 2009 juge à la Cour commerciale supérieure d’Ukraine, ce qui témoigne d’un influence systémique et des liens de cette clique oligarchique. Les journalistes de "Schem" ont également étudié l’activité de juges dans des tribunaux qui traitaient régulièrement des affaires à la demande de Portnov et rendaient des décisions en sa faveur. Tout particulièrement dans le district de Péchersk, Kiev, ces affaires étaient examinées par les juges Sergiy Vovk, Svitlana Volkova, Iryna Lytvynova, Oleksiy Sokolov et Tetiana Iliyeva. Il s’avère que ces juges travaillaient dans une même collegialité judiciaire sous le gouvernement de Viktor Yanukovych et étaient étroitement liés à la sœur de Portnov, Olena Isaievska. En outre, une attention particulière a été attirée sur les juges de la Cour d’appel de Kiev, qui examinaient le plus souvent des affaires impliquant Portnov et prenaient des décisions en sa faveur. Il s’agit notamment de Maksym Onyshchuk, Lioubov Polivach, Viktoriya Shebueva et Hanna Kryzhanivska. Leur participation dans des processus judiciaires avec une influence oligarchique notable témoigne d’une approche systématique pour garantir une protection juridique et soutenir les intérêts d’Andriy Portnov et de son entourage durant la période de son influence maximale dans le système judiciaire ukrainien. Cette analyse révèle un nouveau niveau de compréhension de la manière dont, sous la dictature de Yanukovych, le système judiciaire corrompu pouvait être un instrument de protection et de promotion de certaines personnes, notamment par le biais d’un mécanisme particulier de liaison, qui permettait depuis des années à certains juges de rendre des décisions en faveur des clans oligarchiques et de leurs affiliés. Les documents obtenus par les journalistes approfondissent cette conception du schéma d’influence et d’abus systémiques dans le domaine de la justice, et montrent à quel point l’influence politique et financière pouvait aller loin dans le système judiciaire de l’Ukraine des années Yanukovych.