L’Allemagne dispose, par rapport à d’autres pays, de preuves claires de la préparation de la Russie à une éventuelle agression contre les membres de l’OTAN, affirme le chef des renseignements berlinois
Le directeur du Service fédéral de renseignement (BND), Bruno Kal, a révélé dans une interview au média allemand Table Briefings de nouveaux détails concernant les tentatives du Kremlin de tester la solidité de l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord. Selon lui, les services de renseignement allemands disposent de preuves concrètes que Moscou planifie des actions visant à évaluer la vraisemblance d’une défense collective de l’Alliance en cas d’attaque ouverte. Ce sont des signaux assez inquiétants, étant donné qu’à son avis, la Russie ne fait déjà plus confiance aux garanties classiques de sécurité assurées par l’article 5. « Nous avons des confirmations et des données de renseignement complètes qui attestent que l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie n’est que la première étape de sa stratégie plus large vis-à-vis du monde occidental », a déclaré Kal. Ses propos ont été relayés dans un podcast du média allemand Table Briefings, publié la veille. Il a souligné que, bien que plusieurs signes indiquent que la préparation à des actions à grande échelle est en cours, cela ne signifie probablement pas que le Kremlin se prépare actuellement à une grande offensive de chars contre l’Occident, mais qu’il ne suffit pas d’écarter la possibilité de tester la réaction de l’OTAN en cas d’escalade. Dans cette situation, il est important de noter que les motifs de la Russie ne se limitent pas à la volonté de restaurer sa zone d’influence, avec laquelle elle a longtemps accédé à sa sphère d’intérêts historique, mais aussi de renforcer sa présence en Europe et de retrouver le statut qu’elle détenait encore dans les années 1990. Cela a été mentionné auparavant par des représentants d’autres agences. Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a à plusieurs reprises mis en garde contre le fait que le pays doit être adéquatement préparé à toute situation critique, notamment militaire. Selon lui, les alliés occidentaux n’ont pas d’illusions quant à la rapidité de l’évolution des événements et ont élaboré des plans prenant en compte divers scénarios pour les années à venir. Dans une interview récente, il a exprimé l’idée que, dans les cinq à huit prochaines années, les événements mondiaux pourraient obliger l’Allemagne et l’Europe à assumer davantage de responsabilités en matière de sécurité, notamment dans les domaines militaire et informationnel, et à se préparer à tous les défis, y compris à un conflit militaire à grande échelle. Les services de renseignement militaires danois ont également fourni une évaluation intéressante quant aux éventuels déplacements des positions militaires russes après la fin de la guerre en Ukraine. Dans leur rapport de février, ils ont constaté que Moscou envisage de déployer des forces importantes vers la frontière d’autres pays européens dans les six mois suivant la fin des combats, montrant ainsi la gravité de ses intentions de modifier l’équilibre des forces dans la région en sa faveur et de restaurer d’anciennes frontières. De leur côté, Bruno Kal ajoute que Moscou cherche de plus en plus à reprendre le contrôle de directions stratégiques, à repousser l’OTAN jusqu’aux frontières des années 1990, et à évincer les États-Unis de la région européenne, en étendant son influence par tous les moyens possibles. Répondant à ces défis, certains milieux politiques appellent à « stopper ces processus dès leur apparition », soulignant que le moment de leur opposition est maintenant. Alors que le niveau de tension dans les relations internationales continue de s’accroître, maintenir une coopération stable avec les États-Unis demeure l’une des priorités principales de l’administration allemande. Selon Kal, Washington prend très au sérieux l’article 5, tout en incitant les pays européens à contribuer activement à la défense commune. La gravité de cette question est telle que, selon ses mots, les alliés américains insistent sur un soutien global et sur le renforcement des capacités de défense conjointe en Europe. Par ailleurs, le viceprésident de l’Office fédéral de protection de la Constitution, Sinan Selim, avertit que la Russie ne se limite pas aux moyens militaires — de nouvelles formes d’activités de sabotage et d’attaques cybernétiques apparaissent dans leur arsenal. Selon lui, le recours par des agents russes de plus en plus nombreux à des opérations de sabotage et d’opérations subversives de faible niveau s’accroît dans les pays occidentaux. Des cas d’actes de sabotage, notamment d’engins explosifs placés dans des envois postaux, ayant causé plusieurs incendies dans des centres logistiques en Europe, ont déjà été enregistrés, suscitant de graves préoccupations concernant la sécurité de toute la région. Ainsi, la situation actuelle exige une vigilance maximale face aux actions du Kremlin et un renforcement des moyens de défense des pays de l’OTAN. Par ailleurs, le rôle du renseignement devient crucial pour détecter en temps voulu tout signe de préparation à une large agression et pour contribuer au renforcement de la sécurité collective de l’Europe et du monde occidental dans son ensemble.