L’Ukraine insiste sur le renforcement de la politique de sanctions de l’Union européenne contre la Russie, tandis que les États-Unis restent dans l’incertitude, ce qui suscite des inquiétudes à Kiev et chez les partenaires de l’UE

Chas Pravdy - 22 mai 2025 03:43

Selon l’agence Reuters, la semaine prochaine, le gouvernement ukrainien prévoit de formuler officiellement une proposition à l’Union européenne concernant la mise en œuvre de mesures radicales et à grande échelle pour isoler la Russie dans les domaines économique et financier internationaux. Selon des sources, les diplomates ukrainiens ont l’intention de préparer et de présenter à Bruxelles ce qu’on appelle le « Livre blanc » — un document contenant des propositions détaillées sur la révision de la politique de sanctions de l’UE, notamment en se concentrant sur la saisie des actifs russes et leur transfert ultérieur à l’Ukraine. Par ailleurs, il est prévu d’introduire des sanctions secondaires contre les entreprises étrangères qui achètent du pétrole russe ou aident le Kremlin à contourner les restrictions déjà en place. Selon des sources, cette démarche serait sans précédent pour l’Union européenne, car jusqu’à présent, Bruxelles s’était abstenu d’appliquer une telle échelle de mesures. Un document interne de 40 pages, qui doit être transmis à tous les 27 États membres de l’UE, appelle à adopter une stratégie de sanctions « plus agressive et indépendante ». La proposition principale consiste à modifier la procédure de prise de décision — passer du principe d’unanimité à un vote à la majorité, afin de réduire le risque de blocage par des opposants aux sanctions dans certains États. Le document critique également le manque de participation active des États-Unis dans le cadre des initiatives internationales communes en matière de sanctions. Il est notamment indiqué dans le « Livre blanc » que l’administration de l’ancien président Donald Trump s’était en réalité retirée du processus de coordination des efforts de sanctions à l’échelle mondiale. Les auteurs soulignent que Washington a cessé de participer à de nombreux mécanismes intergouvernementaux responsables du contrôle de l’application des sanctions, notamment en ce qui concerne le respect des restrictions de prix sur le pétrole russe. Le document affirme : « Washington a suspendu sa participation au suivi du respect des restrictions de prix, dissous le groupe fédéral chargé de lutter contre les violations des sanctions, et le potentiel d’expertise dans ce domaine a considérablement diminué ». Selon des experts et diplomates ukrainiens, cela complique considérablement la coordination des efforts internationaux et freine les mesures économiques contre la Russie. Par ailleurs, s’appuyant sur une analyse de la situation, les spécialistes soulignent que l’Europe dispose de leviers bien suffisants pour maintenir la pression sur Moscou. Selon l’expert en énergie russe du Centre de Harvard, David Craig Kennedy, l’Europe possède un potentiel important malgré la domination du dollar dans le commerce mondial et les difficultés à compenser totalement les sanctions américaines. « L’Europe a bien plus d’atouts qu’on ne le pense », insiste-t-il. Selon lui, la capacité à empêcher le flux d’investissements revenir en Russie et à renforcer la pression par des sanctions dépend d’une politique concertée et cohérente de Bruxelles. L’historique de cette situation est assez tendu. Après un entretien avec Vladimir Poutine le lundi 19 mai, l’ancien président américain Donald Trump a surpris en renonçant à imposer de nouvelles sanctions contre la Russie, ce qui a déçu les espoirs des dirigeants ukrainiens et européens de renforcer la pression sur le Kremlin. Cela a fragilisé la confiance dans l’unité des partenaires occidentaux et suscité des inquiétudes supplémentaires quant à la capacité des États-Unis à continuer de mener la marche en avant en matière de sanctions. Dès le lendemain, le 20 mai, des pays comme l’Union européenne et le Royaume-Uni ont décidé d’adopter des restrictions supplémentaires contre la Russie, créant ainsi une forme de double pression, en espérant que Washington se joindrait à eux pour renforcer la politique de sanctions. Des sources moscovites indiquent que le 18e paquet de sanctions contre la Russie, déjà en cours d’élaboration dans l’UE, pourrait inclure de nouvelles mesures, en plus des restrictions traditionnelles contre les banques russes. Il s’agirait d’introduire des restrictions à l’encontre des institutions financières des pays non membres de l’UE mais qui soutiennent activement l’industrie de défense russe et l’armée, ce qui renforcerait l’isolement économique de la Russie vis-à-vis de la communauté internationale. Enfin, la communauté d’experts souligne que, malgré les défis et l’incertitude des États-Unis, l’Europe dispose de tous les moyens pour consolider ses positions et créer un système de sanctions puissant, qui ne laissera pas Moscou se relever à court terme. Une telle stratégie serait une étape naturelle dans la lutte pour renforcer l’isolement international de la Russie et soutenir l’État ukrainien face à l’agresseur.

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